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Par
Michel LALOY (d'après brochure Otis)
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Comment
on montait au temps jadis ?
Monter et descendre
des personnes et des charges était une entreprise particulièrement
hasardeuse jusqu'à l'invention par Elisha Graves Otis, en 1852,
du monte-charge à parachute. Pour lever les charges lourdes, l'homme
s'était jusqu'alors battu avec des moyens divers (la plupart du
temps sans succès ou, tout au moins, sans sécurité). Qu'il s'agisse
d'un treuil, d'une simple poulie ou d'un moufle, la corde pouvait
casser . . . imaginez le résultat ! Le treuil existait depuis un
certain temps, avant même les techniques des moufles. Bien que ce
soit une simple supposition, on peut estimer, ainsi que l'ont fait
les experts, que les Égyptiens ont dû utiliser des treuils pour
construire les Pyramides, la plus grande d'entre elles, édifiée
2600 ans avant Jésus-Christ, culminant à plus de 150 mètres et de
nombreux blocs de pierre pesant plus de 100 tonnes.
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Premières
utilisations du treuil
En 236 avant
J.C., Archimède, ce génie d'alors de la science et de la mécanique,
avait mis au point un treuil comportant des cordes et des poulies
les cordes s'enroulaient sur un tambour actionné par un cabestan
et des leviers. C'est l'homme qui était la source d'énergie de ces
treuils. A titre d'exemple, une machine réalisée environ 200 ans
avant J.C. était actionnée par des hommes se déplaçant sur des barreaux
à l'intérieur de la roue à aubes. Plus tard, après que l'Empereur
Titus eut construit le Cotisée de Rome, en 80 avant J.C., on utilisa
de grands monte-charge rudimentaires pour amener les gladiateurs
et les animaux sauvages au niveau de l'arène. Les archives nous
révèlent qu'au Moyen-âge des treuils servaient à monter des personnes
et des marchandises dans des endroits isolés, tels que châteaux
et monastères. Un des plus célèbres parmi ces derniers a été le
monastère de Saint-Barlaam, en Grèce, construit sur un escarpement
à environ 60 mètres au-dessus du sol. Un treuil, équipé d'un panier
ou de quelque chose ressemblant à un filet, constituait le seul
moyen d'accès. Une abbaye sur la côte française installa, en 1203,
un treuil qui utilisait la technique familière de la roue à aubes,
mais ici, c'était un âne qui remplaçait l'eau. La charge était tirée
par une corde enroulée sur un grand tambour. Cette machine était
encore en service récemment. Pendant des centaines d'années, différentes
sortes de moyens de levage ont été réalisées dans des buts divers,
allant de la manutention des charges jusqu'aux transports de nobles
sur des chaises à porteurs dans leurs châteaux ou des infirmes dans
les maisons bourgeoises. Mais il fallut attendre que James Watt
améliore la machine à vapeur et qu'elle soit employée aux environs
de l'année 1800 dans le but d'extraire le charbon des puits de mines
pour que cette énergie, autre que "musculaire", soit utilisée pour
des monte-charge.
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En 1835, un
monte-charge à vapeur, appelé le "teagle", servait à monter les
matériaux dans une usine anglaise. Dix ans plus tard, c'est-à-dire
en 1845, Sir William Thompson mit au point le premier élévateur
hydraulique. Puis, en 1846, une grue hydraulique utilisant la pression
de l'eau de ville fut réalisée. En cas de pression insuffisante,
on employait une pompe à vapeur et un réservoir de pression d'appoint.
Peu de temps après, ce dispositif fut utilisé dans des élévateurs
hydrauliques nécessitant des pressions plus élevées.
L'Amérique vit,
en 1850, la commercialisation des premiers appareils. Leurs plates-formes
actionnées par la vapeur servaient au transport des marchandises.
La même année, un autre inventeur aurait réalisé le premier dispositif
à pignon et vis sans fin, entraînant un gros tambour d'enroulement.
Mais après ces diverses tentatives, l'industrie et le public attendaient
toujours une innovation permettant une application universelle.
Et c'est là qu'intervint Elisha Graves Otis, en l'an 1852. En 1852
donc, son patron, le propriétaire de la Bedstead Manufacturing Company,
à Yonkers (État de New York), demanda à Elisha Otis de réaliser
un monte-charge pour le transport des produits de la société. Maître
en mécanique, Elisha Otis ne considérait pas cette tache comme difficile.
Mais on avait, depuis des centaines d années, réalisé des engins
de types très divers présentant tous le même défaut sérieux: tomber
chaque fois que le câble se cassait Otis réalisa un "parachute".
Pour cela, il mit un vieux ressort de charrette au-dessus de la
plate-forme du monte-charge et fixa une barre a cliquets aux rails
guidant celle-ci. Le câble était attelé au ressort de charrette
de sorte que, par son seul poids, la plate-forme exerçait un effort
suffisant pour l'empêcher de toucher les barres à cliquets. Cependant,
en cas de rupture du câble, la tension était libérée sur le ressort
et chacune de ses extrémités s'engageait immédiatement dans les
barres, bloquant ainsi la plate-forme et l'empêchant de tomber.
Et ça marchait! Pendant un certain temps, l'idée d'Otis connut la
vedette. Mais cela ne dura pas car, peu après, la Bedstead Manufacturing
Company fit faillite. Otis envisagea alors sérieusement de se joindre
à la "ruée vers l'or" pour faire fortune. Peut-être serait-il parti
s'il n'avait été retenu par la réception d'une commande imprévue
portant sur deux "monte-charge à parachute". Cette commande provenait
d'un fabricant de mobilier de la ville de New York qui venait de
perdre deux ouvriers à la suite d'une rupture de câble. Les deux
hommes étaient morts. Ce fabricant, ayant entendu parier des monte-charge
d'Otis à parachute, avait immédiatement pris contact avec ce dernier.
Apparemment, cette commande fit sérieusement réfléchir Otis sur
l'avenir de son invention. Il arriva en effet à la conclusion que
les États-Unis, grand pays en pleine expansion, représenteraient
un débouché de plus en plus grand pour ce parachute.
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Le
début de l'entreprise
Elisha
Graves Otis oublia la ruée vers l'or. Le 20 septembre 1853, il ouvrit
son propre atelier à Yonkers, dans un coin de l'usine de la Bedstead
en faillite, pour construire deux monte-charge. Ainsi naquit l'industrie
de l'ascenseur. Otis n'avait pas inventé le premier monte-charge.
Mais il avait inventé le premier monte-charge "sûr", et cet élément
de sécurité non seulement lança cette industrie, mais permit également
aux architectes d'accroître la hauteur des bâtiments qu'ils désiraient
construire. Mais, comme tout homme d'affaires, Otis devait lancer
Elisha Otis faisant une démonstration publique de son monte-charge
à parachute à la "Crystal Palace Exposition" à New York, en 1854.
son produit. Il le fit d'une manière inhabituelle et téméraire à
la "Crystal Palace Exposition" de New York, en 1854. Il installa
son monte-charge à parachute au centre du hall d'exposition et,
après avoir chargé la plate-forme de caisses, tonneaux et autres
marchandises, il y prit place lui-même et la fit hisser de telle
sorte que tout le monde pût bien voir. Puis il donna l'ordre de
couper la corde. La tension étant libérée sur le mécanisme de parachute
à ressort, ce dernier s'engagea dans les barres à cliquets, immobilisant
la plate-forme.
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Le premier moment
de stupeur passé, l'assistance applaudit vigoureusement et Otis,
le haut-de-forme à la main sur sa plate-forme, s'inclina fièrement
et dit "La sécurité totale. Messieurs". Le New York Tribune qualifia
cette performance d'" audacieuse" et de "sensationnelle".
Mais de nombreux petits industriels de New York, ainsi que le grand
public, qui allaient bientôt utiliser de tels monte-charge pour
le transport des personnes, associaient la performance à un autre
mot: "sécurité". C'est cette qualité qui devait assurer aux ascenseurs
le succès général qu'ils connaissent aujourd'hui.
Au début, cependant, on ne peut pas dire que les clients se précipitèrent
chez la Société E.G. Otis pour acheter ses monte-charge. Elle en
vendit peu en 1854 et seulement 15 en 1855. En 1856, les archives
de la Société Otis indiquent que 27 monte-charge à parachute, comme
on les appelait alors, furent vendus. Ils étaient tous destinés
au transport des marchandises.
Le
premier ascenseur du monde
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Puis vint le
23 mars 1857, date à laquelle Otis installa le premier ascenseur
du monde, dans le magasin de E. V. Haughwout & Company, marchands
de porcelaine et de verrerie françaises, à l'angle de Broadway et
de Broome Street à New York. Dans ce bâtiment, qui comportait cinq
étages et était considéré comme élevé pour l'époque, la force motrice
nécessaire à l'ascenseur était transmise par une série d'arbres
et de courroies entraînés par une centrale à vapeur dans le bâtiment.
Sa capacité était de 450 kilogrammes à une vitesse de 0,2 mètre
par seconde. Le premier marché d'ascenseur avait été signé. Pendant
les quelques années suivantes, les affaires ne furent pas très vigoureuses,
mais néanmoins suffisantes pour d'une part permettre à Elisha Otis
de poursuivre ses inventions et mises au point, et d'autre part
de développer la demande pour ses ascenseurs. Une de ses inventions
fut le moteur à vapeur alternatif Otis, également appelé le moteur
"patent" (breveté). Ce moteur à vapeur autonome donna une nouvelle
renommée au nom d'Otis dans cette industrie naissante et, en peu
de temps, cette installation motrice pour ascenseurs fut présentée
comme un tout dans la publicité, les catalogues et la documentation
d'Otis.
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Mais
Elisha Otis n'allait pas profiter de ses nouvelles idées. Il mourut
le 8 avril 1861, peu de temps avant le début de la guerre civile,
et la Société fut reprise par ses fils Charles et Norton. Elisha Graves
Otis mourut quatre mois exactement avant son 50e anniversaire. Pendant
la courte période où il s'était consacré à l'industrie des élévateurs,
il avait immensément contribué à son développement et à son potentiel.
Il ne mourut pas riche, mais laissait à ses fils un héritage considérable
à développer.
Ils le firent, comme le prouve aujourd'hui l'importance du nom Otis
dans l'industrie. A eux deux, Charles et Norton Otis se virent accorder
53 brevets sur la conception des ascenseurs et leurs dispositifs de
sécurité. Pendant les années et la courte période de récession qui
suivirent la guerre civile, on ne fabriqua pas beaucoup d'ascenseurs.
Pour les hôtels, c'est en 1866 que le premier fut installé à New York,
à l'hôtel Saint-James. L'industrie commençait à se développer. |
La mise en
valeur des étages supérieurs
La Société
Otis Brothers & Company fut constituée en novembre 1867 et, un an
plus tard, la première usine était terminée à Yonkers (État de New
York), là où se trouve aujourd'hui la Otis Elevator Company. En
1868, l'entreprise Otis avait mis au point un ascenseur à vapeur
comportant une cabine et des dispositifs de sécurité si élaborés
que les étages supérieurs prirent une plus-value importante.
Le nombre de niveaux commença à croître, limité cependant par la
charge que pouvaient supporter les murs en briques. La hauteur augmentant,
l'épaisseur des murs inférieurs augmentait également, réduisant
la surface utile du rez-de-chaussée, étage malgré tout le plus important
du bâtiment.
A l'exemple de New York, les immeubles de bureaux de Chicago, San
Francisco, Boston et d'autres villes atteignaient six étages ou
même plus, et s'équipaient tous d'ascenseurs. Les hôtels étaient
parmi les clients les plus importants, car les étages supérieurs
étaient de plus en plus recherchés. Les grands magasins, eux aussi,
comprirent l'atout que ces appareils représentaient. A New York,
"Lord & Taylor" s'équipa d'un ascenseur à vapeur dès 1870. Un autre
événement important fut à noter cette année-là : le chiffre d'affaires
total des ascenseurs Otis, depuis la première vente en 1853, atteignit
le million de dollars. Deux ans plus tard, fêtant le 20e anniversaire
de l'entreprise familiale, Charles Otis déclara : "II y a plus de
2000 ascenseurs Otis en service. L'usine travaille du lundi matin
au samedi soir, deux équipes se relaient jour et nuit".
Telle était la situation au début de 1873. Mais, en septembre, la
Bourse fermait et le pays entrait dans l'une de ses dépressions
les plus sévères. Elle devait durer cinq ans et mettre en faillite
plus de la moitié des entreprises de construction du pays.
Lorsque les affaires reprirent en 1878, Otis était prêt et disposait
de deux nouveaux produits. Le premier était un ascenseur hydraulique
pouvant atteindre des vitesses élevées, de 3 à 4 mètres par seconde.
De plus, les coûts d'installation et d'exploitation étaient moins
importants que ceux du modèle à vapeur. Le second produit était
un dispositif de parachute pour appareil à grande vitesse actionné
par un limiteur de vitesse. L'arrêt en cas d'urgence se faisait
alors progressivement. En avril 1878, le premier ascenseur hydraulique
Otis fut installé au 155 Broadway à New York. Il avait une course
de 34 mètres. L'année suivante, quatre ascenseurs Otis furent commandés
pour le building Boreel de New York. C'était la première installation
d'un groupe d'ascenseurs rapides, dans un immeuble commercial, pour
une course de 30 mètres. Puis en 1883 la Bourse des Denrées de New
York construisit un bâtiment qui nécessita neuf ascenseurs hydrauliques.
La course
à l'altitude
II y avait de
plus en plus de bâtiments élevés, tous équipés d'ascenseurs. Pour
répondre à la demande, les frères Otis devaient donc accroître leur
capacité de production. Mais les architectes et entrepreneurs des
années 1880 à 1890 ne pouvaient encore dépasser 10 a 12 étages.
Cette limite était due à la charge que les murs en briques pouvaient
supporter. En fait, le plus haut bâtiment de l'époque était alors
le building Monadnock de Chicago, avec 16 étages. En 1885, l'architecte
W. L. Jenney franchit une étape importante avec la construction,
à Chicago, du Home Insurance Building. Bien qu'il ne comportât que
10 étages, il faisait appel à toute une charpente métallique supportant
les charges du bâtiment, et supprimant les importantes fondations
en briques utilisées jusqu'alors C'était la naissance de la technique
des "gratte-ciel". Le bâtiment suivant, en charpente métallique
de ce type, fut le building Tacoma de 12 étages, achevé à Chicago
en 1888. Ensuite, en 1890 ce fut le Worid building, de New York,
qui devint le bâtiment le plus haut avec 22 étages. Il fut construit
avec cette nouvelle technique de charpente métallique. La course
était lancée,tous ces grands immeubles utilisaient les ascenseurs
Otis.
Questions et
réponses sur les ascenseurs
Q.
Quel est le niveau de sécurité d'un ascenseur?
R. Très élevé. De même que les
voitures, les trains, les autobus et les avions, les ascenseurs
transportent quotidiennement des centaines de millions de personnes
et, comme ces autres moyens de transport, l'industrie des ascenseurs
a estimé la distance, en kilomètres, parcourue chaque année par
les cabines. En 1974, la distance totale couverte par les quelques
345.000 ascenseurs des Etats-Unis a été de 2,4 milliards de kilomètres!
En 1974, les ascenseurs ont transporté plus de 43 milliards de personnes.
Il n'y a cependant eu que 15 accidents mortels, soit environ 1 tous
les 160 millions de kilomètres parcourus. Ils ont principalement
été dûs à la négligence de quelqu'un. Il n'y a pas longtemps, une
compagnie d'assurance a conclu, après une étude approfondie, qu'il
est environ cinq fois plus sûr d'utiliser un ascenseur que de monter
ou de descendre les escaliers. Vous ne pouvez pas trouver un moyen
de transport plus sûr.
Q.Que
se passe-t-il si les câbles cassent?
R. Un des nombreux dispositifs
de sécurité d'un ascenseur est le limiteur de vitesse qui empêche
la cabine de l'ascenseur de tomber ou de descendre trop vite. Ce
limiteur comporte un câble d'acier allant de la cabine de l'ascenseur
au volant d'entraînement du limiteur. Si la vitesse de la cabine
dépasse la vitesse normale prévue, ce volant déclenche un contacteur
de sécurité qui serre les freins sur la machine entraînant l'ascenseur.
Cette action de freinage est généralement suffisante pour arrêter
la cabine. Si, pour quelque raison, la cabine ne s'arrête pas et
que sa vitesse continue à augmenter, le limiteur agit en sorte que
les pinces du parachute se resserrent sur les rails de guidage de
l'ascenseur, ce qui entraîne un arrêt progressif de la cabine.
Q.A
quelle vitesse un ascenseur peut-il aller?
R. Dans de nombreux gratte-ciel,
les ascenseurs sont étudiés pour se déplacer à une vitesse comprise
entre 6 et 9 mètres à la seconde, soit environ 22 à 33 kilomètres
à l'heure. Il est possible d'étudier des ascenseurs allant plus
vite mais, étant donné qu'il faut alors entre 10 et 12 étages pour
accélérer la cabine, puis pour la ralentir, des vitesses plus élevées
ne sont pas rentables. En outre, les personnes utilisant les ascenseurs
sont d'âge et de condition physique très divers, et risqueraient
de ne pas se sentir bien si l'ascenseur allait beaucoup plus vite
(quiconque souhaite aller plus vite peut poser sa candidature pour
être astronaute !)
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