En Occident, de l’antiquité au
début du 20e siècle, une forte corpulence associée à
une bonne fourchette est à la fois signe de bonne santé et de confort
matériel et social. En revanche, l’obésité franche a toujours été
considérée comme gênante pour les activités quotidiennes et même
néfaste pour la santé. Les régimes existent pour leur part depuis
la nuit des temps…
De
l’antiquité au XXIe Siècle, Doctissimo fait le point
sur la notion de poids et les méthodes pour maigrir…
Dans l’antiquité
Grecs
et romains pratiquaient déjà des régimes associant exercice physique
et restrictions alimentaires.
Ainsi,
au 5e siècle avant J.-C., le célèbre Hippocrate, père
de tous les médecins, conseille aux "obèses de tempérament
sanguin" de :
- Rester nu aussi souvent que possible ;
- Ne pas prendre de bain ;
- Dormir sur un lit dur ;
- Faire de l’exercice ou des travaux
de force avant de manger. Ne manger que lorsqu’on halète de fatigue ;
- Consommer des plats riches en
graisses, avec des assaisonnements gras, de telle sorte qu’on
est rassasié avec peu de nourriture ;
- Ne pas boire avant les repas,
sauf un peu de vin, dilué et pas trop froid ;
- Absorber des aliments secs une
grande partie de l’année – en raison de leur constitution humide
- si on a un tempérament sanguin, une apparence rougeaude et des
muscles lâches ;
- Ne manger qu’une seule fois par
jour.
Pour Soranus d’Ephèse, médecin du second
siècle après J.C. émigré à Rome, les individus gros sont paresseux
et inactifs. Il leur prescrit de :
- Dormir le moins possible, faire
des concours de chant ou de poésie, ou encore voyager ;
- Faire le plus d’exercice possible ;
- Prendre des bains de soleil, des
bains chauds, se faire masser et s’exposer à de la chaleur vive ;
- Ne manger qu’une seule fois pas
jour et un seul plat, froid, à base de légumes, avec un peu de
poisson, de lapin ou de chevreuil sec, ou encore de porc desséché,
le tout accompagné de pain rassis ;
- Eviter les aliments trop bons
et trop bien cuisinés, à base de lait, de cervelle, d’œufs, de
poisson à la chair tendre, ainsi que les nourritures grasses ;
- Prendre des laxatifs, des vomitifs
et se mettre des cataplasmes irritants sur la poitrine, au cas
où tous les conseils précédents seraient inefficaces.
Au Moyen Age
Au temps des châteaux-forts, les traitements
appliqués aux personnes de forte corpulence restent identiques.
Avicenne, médecin iranien du 10e – 11e siècle,
recommande la consommation de grands volumes d’aliments peu nourrissants
pour tromper la faim. Il conseille également de prendre des bains
avant les repas, de pratiquer beaucoup d’exercice et d’absorber
des purgatifs pour empêcher la digestion. En Occident, à cette époque,
plus que la corpulence, c’est le péché de gourmandise qui est condamné
d’un point de vue moral et religieux. La gloutonnerie est censée
conduire à l’Enfer. Gargantua est ainsi puni par 18 mentons et un
tempérament flegmatique ; Falstaff a une tombe trois fois plus
large que les autres, etc.
Au début de la période moderne
Dès la fin du Moyen Age, la médecine
commence à se distinguer du religieux et du moral. Les médecins
abordent les liens entre poids et alimentation selon la médecine
commence à se distinguer du religieux et du moral et des médecins
abordent les liens entre poids et alimentation selon une approche
"scientifique". Aussi cherche-t-on à évaluer la consommation
alimentaire, les pertes et les dépenses.
Au 18ème siècle
A partir de 1700, les thèses de médecine
sur l’obésité se multiplient, sans doute face à l’accroissement
du nombre d’obèses. On soupçonne alors la paresse, la gloutonnerie
mais aussi la luxure d’être cause d’obésité. Le docteur anglais
Thomas Short donne, en 1727, les conseils suivants :
- Lorsqu’on a tendance à l’embonpoint,
choisir un lieu de vie où l’air n’est pas trop moite; éviter les
pays plats et pluvieux, les régions boisées ainsi que les villes ;
- Faire de l’exercice afin d’augmenter
la transpiration ;
- Dormir peu ;
- Evacuer beaucoup en prenant éventuellement
des laxatifs ;
- Eviter les trop grands élans passionnels ;
- Opter pour une nourriture dégraissée
et la consommer dans des proportions modérées. Viandes et poissons
sont à choisir parmi les moins nourrissants.
A Paris, en 1765, le docteur Antoine
Petit énonce, dans le même esprit, des principes en conseillant
"d’éviter l’usage immodéré des femmes" ; "de
prendre un bain d’un quart d’heure ou plus tous les huit jours,
puis de se faire essuyer et frotter avec de la flanelle". Pour
le docteur Petit, il convient de surveiller l’alimentation et de
consommer "beaucoup de vinaigre, du vin blanc, de préférence
du Champagne, et du café noir après dîner".
En Angleterre le Docteur Malcom Flemyng
conseille en 1760 d’absorber "du savon, qui est diurétique
et dissout les substances grasses".
Au 19e siècle
A partir du 19e siècle,
on progresse dans la compréhension de phénomènes tels que la calorimétrie
ou le travail musculaire, les régimes prescrits ne deviennent pas
pour autant plus rationnels, comme le montre cet extrait du "régime
sec du Docteur Dancel" (Paris, 1849) :
- Boire le moins possible ;
- Eviter les aliments riches en
eau comme les fruits frais, les asperges, les épinards, l’oseille,
les choux-fleurs, les carottes et les navets ;
- Manger le plus de viande possible ;
- Manger beaucoup de pommes de terre,
de haricots blancs, de pain et de fruits secs.
Au début du 20ème siècle
Au siècle dernier, apparaissent de
nouveaux critères de beauté. La demande féminine de minceur va alors
déclencher l’explosion des régimes ainsi que le développement du
commerce et des activités liées. On voit apparaître à cette époque
des régimes qui sont les "ancêtres" de nos contemporains,
basés sur des restrictions drastiques ou sur une alimentation sélective.
Quelques exemples :
La cure de Guelpa (début du 20e
siècle)
- Ne rien manger ;
- Durant la journée, boire de l’eau
et des infusions chaudes à volonté ;
- Prendre chaque matin pendant
2 à 4 jours : 40 g de sulfate de soude dans trois quarts
de litre de tisane de mauve ou de réglisse, ou bien boire une
bouteille d’eau de Montmirail chauffée, ou encore un purgatif
à l’huile de ricin ;
- Eviter le froid et la fatigue.
La cure de lait du Docteur Leven (années
1920)
- Les deux premiers jours :
absorber exclusivement 10 tasses d’infusion de mauve, tilleul
ou oranger, sucrées à volonté ;
- Du 3e au 10e
jour : se nourrir de lait tiède ou chaud, parfumé de vanille,
de caramel, d’oranger ou de café. Après chaque prise, pratiquer
soigneusement des buccaux à l’eau bouillie ;
- Du 11e au 30ejour :
réintroduire progressivement des aliments solides.
Cette fièvre de la minceur s’est amplifiée
à partir des années 60 et n’est jamais retombée. Aux régimes amaigrissants
s’ajoutent d’autres armes comme la psychothérapie, les coupe-faim,
les substituts de repas, les aliments allégés et même la chirurgie…mais
c’est une autre histoire !
Dr Béatrice Sénemaud.
Source : "Maigrir, c’est fou !"
de Gérard Apfeldorfer (Editions Odile Jacob, 2000)
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